Recherche dans le blog

Avis sur la Boutique ( 5 ) Flux RSS
0 1 2 3 4 (5,0/5)

Avis par Yacine K
0 1 2 3 4
Yacine K
Très bonne boutique et excellent service / contact client de Vivien. Encore merci pour les entourag ...
18/05/2025  Achat Vérifié
Avis par O.P
0 1 2 3 4
O.P
Très bonne boutique, les produits ont été expédiés très rapidement. Le service client est ré ...
04/05/2025  Achat Vérifié
Avis par CLARA L
0 1 2 3 4
CLARA L
Super boutique, j'ai trouvé ce qu'il me fallait !
30/03/2025  Achat Vérifié

Le sillet en lutherie : petit composant, grands enjeux

Par : VIVIEN - Catégories : Lutherie guitare électrique Diy Rss feed
star
star
star
star
star

Le sillet de tête : entre tradition, précision et évolution

Silencieux mais indispensable, le sillet de tête reste l’un des éléments les plus discrets de la guitare… et pourtant, il joue un rôle critique. Transmission de vibrations, justesse des hauteurs, confort de jeu, réglages fins… ce petit morceau de matière placé à la frontière du manche et de la tête mérite plus d’attention qu’on ne lui en accorde souvent. Dans cet article, on plonge au cœur du sillet, depuis ses origines jusqu’aux méthodes de fabrication modernes, sans négliger les considérations acoustiques, mécaniques et pratiques.

Les origines

Le sillet n’a pas vraiment d’inventeur attitré : il est apparu naturellement dans la lutherie ancienne, d’abord comme simple repère de hauteur pour les cordes, puis comme interface mécanique entre les vibrations des cordes et la tête. On en retrouve des traces dès les instruments médiévaux à cordes pincées. À mesure que les instruments se sont affinés, le sillet a suivi, en complexité comme en précision.
Avec l’arrivée de la guitare électrique au XXe siècle, le rôle fondamental du sillet n’a pas changé : il reste un point d’appui initial pour chaque corde.

Sillet vintage

Mais l’industrialisation a transformé sa fabrication et son évolution. Là où chaque sillet était autrefois taillé à la main par un luthier selon l’instrument et son musicien, l’ère industrielle a vu l’émergence de modèles standardisés, moulés, usinés, puis intégrés en série dans les usines de guitare.

Nature, technique et compromis

ensemble de sillet matière différente

De gauche a droite et de haut en bas:

Sillet en Delrin ou Pom, plastique moulé, Acrylique PMMA, Laiton, Graphite et os

Entre noblesse et contraintes

L’os reste une référence historique et sonore : dense, dur, naturel, il offre une très bonne transmission des vibrations. Mais son traitement demande un certain savoir-faire : nettoyage, dégraissage, dégommage… et il peut présenter des variations de densité selon sa provenance. D’où son emploi privilégié dans les gammes artisanales ou haut de gamme.
Le laiton, utilisé pour sa robustesse et sa glisse naturelle, est aussi apprécié pour sa signature sonore brillante, mais il peut manquer de chaleur ou d’esthétique. Le graphite, lui, s’est imposé par sa glisse exceptionnelle — idéal pour les systèmes à vibrato — mais il amortit davantage les harmoniques.

Les composites et polymères modernes

Parmi les matériaux synthétiques, le TUSQ (fabriqué à base de polymères imprégnés) s’est fait une place solide : il imite l’os tout en garantissant une uniformité de densité, sans les inconvénients du naturel. Le Delrin (ou POM – polyoxyméthylène), très stable et facile à usiner, offre une belle homogénéité sonore, bien qu’il puisse manquer de caractère selon certains musiciens.
D’autres matériaux plus rares apparaissent : l’ébène, extrêmement dense et rigide, est parfois utilisé pour ses qualités esthétiques et acoustiques, bien qu’il soit plus fragile mécaniquement. Le PMMA (polyméthacrylate de méthyle, aussi connu sous le nom d’acrylique) est aussi exploré pour son côté visuel, bien que son intérêt acoustique soit limité.

Sillet ébène

Chaque matériau implique un compromis entre esthétisme, performance, facilité de fabrication et coût.

Méthodes de fabrication

Précision et ressenti

Fabriquer un sillet à la main demande un certain nombre d’outils manuels : limes à sillet (plates, arrondies, de différents diamètres), cales de ponçage, scies fines, règle de touche, jauges d’épaisseur, papier abrasif, lame de rasoir…

Panel d'outil nécessaire pour sillet

Il existe bien d'autres outil que ceux représentés, ceci est une base qui comprend: 1/ plusieurs lime aiguilles, 2/ une règle d'espacement, 3/ une scie a encoches, 7/ cale à radius, 8/ lime plate

La méthode consiste à tailler un blanc à la bonne longueur, l’ajuster en hauteur et en largeur à la rainure du manche, puis à tracer et limer chaque encoche selon l’espacement, le diamètre de la corde, et le rayon de la touche. Un travail qui demande patience, expérience, et contrôle visuel et tactile constant.

Productivité et répétabilité

En CNC, plusieurs méthodes sont possibles. La première consiste à fraiser le contour du sillet dans une plaque ou un bloc d’os ou de POM, puis à usiner les encoches en surface. Mais ici, la précision dépend fortement du diamètre de l’outil : il est difficile d’obtenir des rainures précises pour les cordes aiguës si l’on dépasse 0.4 mm de fraise.
Une seconde méthode, plus fine, consiste à usiner le contour dans un premier temps, puis à repositionner le sillet dans un étau inclinable ou sur un support qui simule la position sur la touche, et à venir fraiser les rainures avec un outil conique, typiquement une fraise à 60°, à des profondeurs variables selon les tirants.

Usinage d'un sillet avec fraise 60°

Une approche différente

Pour les sillets en Delrin (POM), j’utilise personnellement une machine laser CO₂. La précision de coupe y est très bonne, même pour des formats très petits, à condition de maîtriser les réglages.

exemple de découpe)e laser dans du pom
Avec un tube de 40W, un réglage de puissance autour de 10 à 15 % et une vitesse assez élevée permet de découper le POM sans trop de bavure. Mais il faut faire attention au jaunissement et aux résidus, en particulier en coupant plusieurs épaisseurs. Pour l’usinage des encoches, c’est plus complexe au laser car la gravure dans la profondeur reste limitée. Il faut parfois combiner découpe et fraisage manuel pour un résultat optimal.

Ma méthode personnelle

Pour mes sillets, je fais une moyenne des tirants de cordes les plus utilisés (souvent 9-42 ou 10-46), afin que chaque pièce soit adaptable à la majorité des guitares. En cas de demande sur mesure, je pars bien sûr du tirant exact.
Sur les sillets en Delrin, je fais toute la forme au laser, mais les encoches peuvent être retouchées manuellement. Pour les sillets en os, je combine CNC et finition manuelle selon la méthode à deux passes décrite plus haut, afin de gagner en précision là où les fraises classiques atteignent leurs limites.

Réglage et pose du sillet

Pose, collage et ajustement

Un sillet doit toujours être ajusté parfaitement dans sa rainure, sans contrainte excessive ni jeu latéral. Le collage, souvent à la colle blanche ou à la cyano en micro point, ne sert qu’à maintenir la pièce, pas à la fixer fermement.
En cas de remplacement, certains luthiers chauffent légèrement le sillet avec un fer à souder pour ramollir la colle avant extraction, notamment sur les sillets plastiques ou TUSQ.

Le profil et le radius

La face supérieure du sillet n’est jamais parfaitement plate : elle suit (ou doit suivre) le radius de la touche pour assurer une courbe homogène des cordes. Certains sillets sont usinés convexes dès la fabrication, d’autres sont ajustés à la main.
Les encoches doivent être suffisamment profondes pour tenir la corde, mais pas au point de provoquer un buzz ou une perte de sustain.

Méthode de réglage des encoches

Le réglage des encoches est un point critique. La méthode la plus répandue utilise une jauge d’épaisseur qu’on vient placer sur la frette immédiatement après le sillet. En pressant la corde, on observe si elle touche la jauge ou si elle flotte légèrement au-dessus.

gorge de sillet
Un bon réglage permet à la corde de vibrer librement tout en garantissant une action confortable. Trop bas : elle frise ou sonne faux. Trop haut : le jeu devient raide, surtout dans les premières cases.
L’outil indispensable ici est la jauge d’épaisseur (souvent de 0.15 à 0.30 mm pour les premières cordes), accompagnée des limes de précision adaptées à chaque diamètre de corde.

Et demain ? L’avenir du sillet entre innovation et continuité

Le sillet, aussi discret soit-il, n’échappe pas à l’évolution technologique, aux nouvelles pratiques de fabrication, ni aux attentes des musiciens d’aujourd’hui. Pourtant, malgré les décennies, sa fonction première reste inchangée. Ce paradoxe — entre constance mécanique et adaptation moderne — mérite qu’on s’y attarde.

De la série au sur-mesure accessible

L’intégration de machines CNC de plus en plus précises et abordables, y compris pour les petits ateliers, permet d’envisager des sillets sur-mesure produits avec une reproductibilité remarquable. La démocratisation des machines de découpe laser CO₂ ou fibre permet aussi de fabriquer à la demande des formes complexes, voire des motifs personnalisés pour des demandes esthétiques.
On voit également apparaître des banques de données numériques (formats STL ou G-code) permettant aux fabricants ou aux luthiers indépendants de produire des sillets spécifiques à tel ou tel modèle de guitare, en quelques clics, à condition d’avoir l’équipement.

Matériaux innovants et durabilité

La recherche de matériaux éco-responsables ou plus durables reste un enjeu de fond. Le POM (Delrin), déjà bien implanté, séduit pour sa stabilité et sa constance d’usinage. Mais certaines initiatives cherchent à utiliser des matériaux composites biosourcés, ou des plastiques recyclés, qui conservent de bonnes propriétés mécaniques tout en limitant l’impact environnemental.
On peut aussi citer des tentatives de fabrication additive (impression 3D résine ou filament), encore peu convaincantes pour l’instant sur le plan de la précision et de la dureté, mais prometteuses pour certains cas très spécifiques ou expérimentaux.

Vers l’intégration fonctionnelle ?

Certains prototypes intègrent des fonctions supplémentaires au sillet : capteurs piézo pour la captation acoustique, systèmes d’auto-lubrification avec réservoir intégré, ou encore sillets hybrides intégrant des matériaux à mémoire de forme pour mieux s’adapter aux changements de température ou d’humidité.
Sans aller jusqu’au gadget, ces innovations montrent que le sillet pourrait un jour dépasser son rôle mécanique pour devenir un composant intelligent, surtout sur des guitares conçues autour de l’électronique ou de la modularité.

La place du luthier

Enfin, l’avenir du sillet dépend aussi de la place qu’on continue d’accorder au travail du luthier. Si les sillets industriels sont devenus très performants, bien réglés et constants, rien ne remplace l’ajustement au cas par cas, le ressenti de la main, et la compréhension du musicien.
Dans ce sens, le sillet restera probablement un de ces éléments charnières où l’humain et la machine dialoguent encore. Et c’est précisément ce qui en fait un sujet aussi passionnant : entre point d’appui physique et levier d’expression, il mérite sa place dans le paysage de la lutherie moderne.

Le sillet : une petite pièce au centre de tout

On pourrait croire que le sillet n’est qu’un simple morceau d’os, de plastique ou de composite posé là pour caler les cordes. Mais à l’échelle du musicien et du luthier, il est beaucoup plus que ça. C’est à la fois un point d’ancrage, une interface vibratoire, un élément de confort, un régulateur de justesse, et parfois un révélateur de soin dans la fabrication d’un instrument.

On aura vu qu’il concentre, dans ses quelques grammes, des choix techniques et esthétiques qui méritent une vraie réflexion. Qu’il s’agisse du matériau, du profil, du mode de fabrication ou du réglage fin, tout compte. Et plus encore que sa forme ou sa densité, c’est la précision de son ajustement qui détermine la qualité du jeu.

Les évolutions techniques n’enlèvent rien à l’importance du geste manuel. Même si l’on découpe à la CNC, même si l’on usine au laser, il y a toujours, quelque part, la nécessité d’un œil attentif, d’un ajustement, d’un ressenti. Ce mélange de rigueur et d’intuition est probablement ce qui lie le sillet à la tradition luthière, même dans une approche moderne.

C’est en cela qu’il reste fascinant : discret mais fondamental, modeste mais chargé de conséquences, il incarne parfaitement cette idée que dans la guitare — comme dans beaucoup de disciplines artisanales — les petits détails font les grandes différences.

Partager ce contenu

Veuillez vous connecter pour noter cet article

Articles en relation

Ajouter un commentaire