Bonjour à tous,

J'ai toujours voulu courber mes frettes ! Oui, me direz-vous, et qu'est-ce que ça peut bien nous faire ?!

Alors, déjà, un peu de respect, s'il vous plaît, même si vous n'avez rien dit et que vous vous entêtez à lire un simple monologue qui ne mènera nulle part. Enfin, si ! Ne partez pas tout de suite. Eh oui, il faut bien comprendre qu'avant chaque histoire, il faut un prologue : un contexte, une énigme, un teasing, une intrigue. C'est comme un 100 m : avant chaque arrivée, il faut un départ. On présente les athlètes, la foule hurle en délire, les ovations fusent, les cœurs des compétiteurs battent à tout rompre… Et vous êtes déjà partis ?

L'état des lieux

Quelle est la différence entre un bon et un mauvais luthier ?

Ah ! Je l’attendais, celle-là ! Il existe plusieurs sortes de luthiers : le bon luthier et le mauvais luthier. Le bon luthier, il voit une frette, il la cintre, c’est évident, hahaha ! Le mauvais luthier, lui, il voit une frette, bon, il la cintre, mais… bon, c’est un mauvais luthier. (Avis à ceux qui ont la réf, XD).

Mais la vraie question est la suivante : a-t-on vraiment besoin d’un outil dédié pour cintrer ses frettes, ou peut-on s’en passer ?

En vérité, beaucoup d’opérations peuvent être réalisées sans outils spécialisés, et celle-ci ne fait pas exception. Mais avant de juger, il est primordial de comprendre le cintrage des frettes.

Quelles sont les différentes méthodes disponibles ?

La méthode la plus simple consiste à acheter des frettes pré-cintrées au rayon souhaité. Quand je parle de rayon, ce n’est pas celui du magasin, hein, mais bien celui de la frette muah ! Ces frettes sont faciles à trouver sur internet. On peut également utiliser une cale au radius comme gabarit pour les taper dessus, ou une pince pour les courber, avec l’aide d’un étau. Bref, on peut s’en sortir. Mais il existe aussi le "fret bender", ou cintreuse à frettes.

Comment ça fonctionne ?

Par contrainte ! La courbure du métal est une technique maîtrisée depuis des siècles dans les aciéries, et nos frettes n’échappent pas à la règle. Le métal passe entre trois rouleaux : le central exerce une pression plus ou moins forte qui dévie la linéarité de la tige et… tada ! La tige se courbe !

Ok mais pourquoi l'acheter ? Je pourrais pas le fabriquer ? Ben si. Allez, on se revoit au prochain article, à plus !

Hey les gars, ce n'est pas fini !
Et le professionnalisme dans tout ça ? Oui, je sais, vous attendiez le truc sérieux, mais franchement, il n'y a pas que l’objectif à atteindre. Il y a le confort, le plaisir, la spécialité... ou plutôt la spécificité du travail, et ça, c’est primordial !

Quand il faut serrer un boulon, on a une clé. Pour une vis à bois, un tournevis. À chaque besoin, son outil. Certes, on peut se débrouiller pour planter un clou avec une clé à molette, l'objectif sera peut-être tenu (dans certains cas), mais quelle galère !

La cintreuse à frette, elle, fait le travail sans tracas. On peut dire que c'est un outil de luthier. Non, je ne parle pas d'une copie conforme, mais d'une inspiration d'un modèle existant qu'on a modifié et amélioré. C’est un peu notre petite touche à nous !

Entièrement conçue en impression 3D avec du filament PLA, cette cintreuse est à la fois robuste et parfaitement adaptée à son rôle. Pas besoin de se casser la tête, elle fait le job avec une grande efficacité.

Conception fret bender

Pas moins de 13 pièces, sans compter les vis et les roulements à billes, sont nécessaires pour assembler cette cintreuse. Voyons de plus près le montage.

Le montage

Sur l'embase, ou le corps central, se fixent deux roulements à billes 606ZZ, maintenus par 2 vis M6 BTR. Ces roulements permettront aux frettes de glisser en douceur sous la pression du rouleau central, sans effort.

montage fret bender

Il a fallu tarauder les trous à l'avance pour pouvoir monter les vis. On peut voir que j'ai arrondi le corps pour faciliter la prise en main, même si j'envisage plus tard d'ajouter un socle de dépose.

Une fois l'embase montée, je m'attaque à la pièce centrale, celle qui recevra le plus gros roulement. Celui-ci permettra à la manivelle de faire tourner les rondelles d'avance.

Sur les photos suivantes, j'ai décidé d'insérer le roulement comme un jeton de caddie. L'objectif ici est de centrer parfaitement le roulement dans la largeur de la pièce. Je vous explique : la pièce fait 10 mm d'épaisseur et le roulement 7 mm. Il est donc difficile de régler cette différence à l'œil ou avec un pied à coulisse. Un mauvais réglage et tout sera décalé. Avec mon système, cette question ne se pose plus... enfin, pas pour moi !

montage fret bendermontage fret bendermontage fret bendermontage fret bender

De l'autre côté de cette pièce, se trouve un trou M6 taraudé qui permet à la vis de pousser ou de tirer, selon l'action de la molette, sur le roulement. Je fais un essai manuel pour évaluer la friction.

Ensuite, je monte la manivelle, qui a un design compact, sans fioritures inutiles. Le bouton est monté sur roulement insérer par contrainte et est cranté pour offrir un grip optimal. Sur la deuxième photo, on peut voir en arrière-plan le corps et la manivelle prêts pour la suite. Au premier plan, on distingue le roulement dans son logement, ainsi que la surépaisseur de celui-ci que la rondelle va venir compenser.

Manivelle fret benderinsert roulement manivelleroulement manivelle20250102_143925.jpg

Les deux rondelles taraudées, installées sur la vis M8, sont séparées par une autre rondelle (oui, je sais, à force de parler de rondelles, on va finir par avoir mal quelque part... mais bon, on tient le coup, hein !). Cette rondelle intermédiaire de 0,8 mm va ajuster le pied de frette avec précision. Et là, l’ensemble devient un rouleau !

rondelle fret benderrondelles fret bender

Le bloc est donc mis en place, prêt à être fixé avant de passer à la suite des étapes.

fret bender

En gros plan, on peut apercevoir le bouchon usiné, avec une empreinte hexagonale parfaitement ajustée à la taille de la vis. Cela permet de maintenir la tête en place pendant les serrages, sans se retrouver avec un capuchon qui danse ! Et pour couronner le tout, un opercule de 3 mm vient habiller l'ensemble, histoire de cacher les imperfections et de donner une finition esthétique à tout ça. Parce que, franchement, qui aime les détails disgracieux ?

Bouchon cintreuse à fretteBouchon cintreuse à frette

bouchon fret bendervis de réglages fret bender

Le montage de la vis et de l'écrou de réglage de hauteur se fait à l'aide d'une goutte de frein filet. L'idée, c'est que cette vis ne tourne plus, même après des assauts répétés lors des changements de radius. Pas question que ça se dérègle au moindre mouvement !

Le processus se termine par la fermeture du bloc avec des vis M4 BTR à épaulement, histoire de maintenir tout ça bien en place. Et bien sûr, une petite goutte de frein filet, parce qu'on n'est jamais trop prudent… Et puis, ça fluidifie la digestion.

Fermeture top cintreuse 

Et là, vient l'inévitable : le contrôle de fonctionnement et de qualité. On vérifie les réglages, la fluidité du mécanisme et la robustesse de l'ensemble. Un petit coup de vis ici, un dernier ajustement là, et voilà, la cintreuse est prête. Parce que, comme on dit, on ne rigole pas avec la qualité… sauf quand on rigole, mais seulement après tout avoir vérifié, évidemment.

controle fret bender

Et voilà, tout est terminé ! Vous connaissez désormais "tous" les secrets de fabrication de notre cintreuse à frette.

EDIT du 11/01/25

Upgrade 1

J’ai choisi un plastique plus qualitatif et une couleur qui, franchement, inspire un peu plus de sobriété : le fret bender noir. Parce qu’après tout, pourquoi pas un peu de classe dans l’atelier ?

fret bender noir

Mais bon, ne nous arrêtons pas là, hein ! Parlons pratique. Pour maintenir un outil comme celui-ci, il y a trois façons de faire. (enfin qui me viennent à l'esprit) 
La première, c’est la méthode à l’ancienne : vous le tenez dans une main, vous enfournez la frette dans l’outil, et vous tournez la manivelle avec l’autre main. Alors oui, ce n’est pas le confort absolu, et je vous vois déjà faire des grimaces en imaginant la scène, mais ça se fait.
La deuxième option, c’est d’utiliser un étau. Là, c’est pratique, mais on parle d’un morceau de plastique, pas d’un bloc d’acier trempé. Donc un serrage en mode "calme et posé", sinon il ne survivra pas à votre enthousiasme.
Et enfin, la troisième méthode, c’est de le poser ou de le fixer sur l’établi. Oui, c’est la solution du pro, celle qui vous simplifie vraiment la vie.

Et devinez quoi ? J’ai pensé à vous : j’ai fabriqué un socle exprès pour ça. Quelle coïncidence incroyable, pas vrai ?

socle fret bendersocle fret bender

Socle pour fret bender

Regardez ce petit bijou ! Ce socle, c’est le partenaire idéal de votre fret bender. Il est conçu pour faire le job, avec une cavité supplémentaire où poser vos frettes (cintrées ou pas, on accepte tout le monde ici). Et pour le fixer à votre établi, rien de plus simple : deux trous de 6 mm aux extrémités permettent un montage facile et solide.

Une fois votre outil en place, c’est royal. La cavité fait 15 mm de profondeur, juste ce qu’il faut pour que le fret bender s’y loge confortablement. Oui, il faut légèrement appuyer pour l’emboîter, mais une fois qu’il y est, il ne bougera plus d’un poil. Ce n’est pas demain qu’il ira voir ailleurs, c’est moi qui vous le dis ! (sauf coup de sang du futur proprio! arf)

cintreuse à frettefret bender

EDIT: 12/01/25

Upgrade 2

Aujourd’hui, je travaille sur une amélioration structurelle de l’outil. J’ai décidé d’ajouter un insert sur la pièce centrale afin de renforcer, voire remplacer, les taraudages initialement réalisés directement dans le plastique. Ce choix a plusieurs avantages : il apporte une plus grande robustesse aux fixations et réduit l’usure liée aux vissages répétés.

Dans cette logique, j’envisage d’étendre ce principe à l’ensemble de l’outil. Cela devrait permettre un gain global en termes de qualité perçue et de durabilité. Les inserts apportent une meilleure tenue dans le temps et renforcent les zones sollicitées. Cette approche pourrait devenir un standard pour tous les endroits concernés.

fret bender

En réfléchissant davantage aux solutions de qualité et de fonctionnement, une question m’est venue : pourquoi un tel débattement dans la position de la roulette centrale ? En observant les modèles à molette réglable, comme celui que je développe actuellement mais aussi ceux qu'on trouve dore et déjà, on remarque que l’écart entre les différents rayons est minime, tandis que les réglages de débattement existants sont beaucoup trop larges.

Pour appuyer cette observation, voici un schéma.

Pour résumer et faciliter la compréhension, pour ceux qui en auraient besoin :

La rondelle ou le rouleau central d’appui a un diamètre de 30 mm . Ce rouleau est contraint par une vis (non représentée sur le schéma) à son sommet, ce qui permet de venir "écraser" la frette lors du cintrage.

Dans mon expérimentation, j’ai représenté deux rondelles centrales. Pourquoi deux ? Pour mesurer précisément le débattement entre le rayon le plus large standard, soit 20’ (rayon de 508 mm), et le plus étroit, 7.25’ (rayon de 184.15 mm).

En traçant un cercle à partir du même centre et en ajustant le rayon pour passer de 508 mm à 184.15 mm, j’ai constaté que la différence entre leurs centres n’est que de 0,67 mm.

Cette observation soulève une première question : est-il vraiment nécessaire d’ajouter un réglage de débattement aussi large ? Pourquoi ne pas simplement utiliser une rondelle conçue pour cintrer directement à un rayon de 7.25’ ? En considérant qu’il existe environ huit à dix rayons différents pour les touches de guitare, la marge de manœuvre de la rondelle devient faible, et les imprécisions risquent d’apparaître dès le départ. Il serait presque impossible de définir avec précision le rayon voulu dans ces conditions.

Enfin, une précision concernant les trois roulements à billes situés en bas de l’outil : il s’agit de roulements 606zz, d’un diamètre de 17 mm. Pourquoi en utiliser trois ? Deux suffiraient pour cintrer des rouleaux de frettes complets. Cependant, pour les frettes précoupées, généralement de 70 mm de longueur, il est difficile d’obtenir un appui stable sur les extrémités avec seulement deux roulements.

Schéma fret bender

EDIT du 13/01/25

Upgrade 3

J’ai donc ajouté, comme prévu, des inserts sur toutes les pièces nécessitant un assemblage : 2 inserts M4 et 3 inserts M6. Quels inserts ai-je utilisés ? Ah, décidément, vous êtes curieux ! Ce sont des inserts à expansion en laiton de la marque Secam. Ces inserts sont parfaits pour le plastique grâce à leur conception ingénieuse : leurs picots, une fois la vis insérée, viennent s’agripper fermement à la paroi où ils sont installés.

L’emplacement des inserts est visible directement sur la cintreuse. Concernant le troisième roulement, j’avais initialement envisagé un positionnement fixe, mais j’ai rapidement réalisé que cela aurait été inutile. En effet, selon le rayon souhaité, le roulement ne serait jamais à la bonne place.

C’est pourquoi j’ai opté pour un trou oblong. Ce choix permet au roulement de s’ajuster à la courbure, offrant ainsi un meilleur soutien et facilitant le passage de la frette.

Mais comment est-ce possible, me demandez-vous ?

insert laitonposition des inserts

Une fois la frette ou le rouleau de frette en place, il suffit de régler son rayon en amont, approximativement. Personnellement, je commence par prendre une première frette que je mets en position. Je remonte ensuite le roulement central pour qu’il serve de support, puis je procède au cintrage.

Pour vérifier le résultat, j’utilise une cale de contrôle radius que j’appose sur la frette. Si le rayon obtenu ne me convient pas, j’ajuste le réglage jusqu’à atteindre précisément le résultat souhaité.

fret benderfret bendercale de contrôle radius

Edit du 17/01

Downgrade 3

Une fois n’est pas coutume, je fais marche arrière et reviens sur ma conception à trois roulements. Après de nombreux essais, il s’avère que le troisième roulement ne justifie pas son investissement. Certes, l’arrondi est légèrement mieux réalisé sur les rouleaux de frettes grâce à cet appui supplémentaire, mais aucune amélioration significative n’a été constatée pour les frettes pré-coupées.

Je décide donc de revenir à la version précédente (upgrade 2), qui conjugue parfaitement qualité et efficacité. Parfois, il faut savoir reconnaître qu’un changement n’apporte pas autant qu’on l’avait espéré, et ce retour en arrière me semble la meilleure option pour cet outil.

Le point faible et la solution

Si je devais identifier un point faible de cette cintreuse, ce serait probablement les rondelles qui guident les frettes, car elles sont en plastique. Bien qu’elles fassent parfaitement leur travail, elles risquent de s’user avec le temps, surtout en cas d’utilisation intensive.

C’est pourquoi je prévois de mettre à disposition, sur la boutique, des rondelles de rechange. Ainsi, il sera facile de prolonger la durée de vie de l’outil sans compromis sur la qualité.

En conclusion

Une fois le réglage parfait obtenu, il ne reste plus qu’à enchaîner avec le reste des frettes ! Cet outil a été pensé pour simplifier le travail et je trouve que c'est réussi.

Merci d’avoir pris le temps de suivre cette article. À très bientôt sur LVSublim, et n’hésitez pas à me partager vos impressions ou besoins !